SOLS - Physico-chimie

SOLS - Physico-chimie
SOLS - Physico-chimie

Parmi les constituants des sols, les colloïdes argileux et humiques (cf. ARGI- LES ET MINÉRAUX ARGILEUX, HUMUS), étroitement associés, possèdent des propriétés d’échange d’anions et surtout de cations comparables à celles des résines échangeuses d’ions (cf. échangeurs d’IONS). La capacité d’échange, le pH et le degré de saturation en cations métalliques de cette capacité d’échange constituent les caractères importants des sols, lesquels sont également le siège de diverses autres réactions, comme celles d’oxydoréduction. Constamment modifiée par l’alimentation des plantes et les apports d’engrais, la phase liquide du sol contient des électrolytes, et il en résulte des échanges continuels entre les phases solide (appelée parfois «complexe absorbant») et liquide. Celle-ci se déplace sous l’effet de la transpiration des végétaux, et les flux ioniques qui en résultent s’ajoutent aux processus de diffusion pour amener au contact des racines les éléments nutritifs dont elles ont besoin.

Réactions d’échange

Échanges de cations

Les charges négatives du réseau cristallin des argiles n’étant pas totalement compensées par des cations appartenant à ce réseau, des cations «compensateurs», largement interchangeables, sont attirés et retenus à la surface des minéraux argileux. Ces faits, découverts par T. Way dès 1850, ont été peu à peu précisés et expliqués; de même que l’échange intervenant dans une résine synthétique, ils peuvent être schématisés ainsi:

Les grosses molécules constituant la matière organique relativement stable des sols, souvent appelée humus, possèdent pour leur part des fonctions acides faibles et des fonctions phénoliques susceptibles de s’ioniser au fur et à mesure de l’alcalinisation du milieu; il en résulte des réactions assimilables elles aussi à des échanges:

Argile et humus étant intimement liés entre eux, c’est l’ensemble de leurs propriétés d’échange que l’on désigne par capacité d’échange de cations T. En raison de l’ionisation variable des fonctions organiques, elle est définie par rapport à un pH (pH 7, généralement) et peut varier en sols cultivés d’environ 50 à 500 milliéquivalents-grammes par kilogramme de terre selon la nature et la proportion des argiles et le taux de matières organiques. Par ailleurs, S étant la somme des cations métalliques, le degré de saturation V de la capacité d’échange

varie avec la teneur du sol en calcium actif.

Parmi les cations échangeables, on trouve surtout le calcium (notamment dans les sols formés sur roche mère calcaire), puis le magnésium, le potassium, le sodium et divers éléments-traces (Mn, Cu, Zn, etc.). Le fer, qui est présent dans les sols sous de multiples formes, peut également intervenir. Les ions H+ tiennent aussi une place toute particulière: en effet, lorsque les cations métalliques sont insuffisamment abondants, les charges négatives sont compensées par des ions H+, ce qui confère au sol un caractère acide que l’on apprécie le plus couramment par la mesure du pH des suspensions de terre, à l’aide de techniques bien définies. Les meilleures conditions agronomiques correspondant au voisinage de la neutralité, on remédie à une proportion excessive d’ions H+ (ou Al3+ se substituant aux H+) par le chaulage, c’est-à-dire par des apports de chaux ou de calcaire finement broyé (cf. SOLS - Amélioration et travail).

Échanges d’anions

Les colloïdes du sol présentent un certain caractère amphotère qui se traduit, surtout en milieu acide, par la possibilité d’adsorption et d’échange d’anions. Ces réactions sont toutefois beaucoup plus limitées: les ions NO-3 et Cl- ne sont nettement retenus qu’en sols très acides; S2-4 l’est assez faiblement; le problème se pose surtout à l’égard des phosphates, qui font l’objet de multiples réactions avec les composés de fer, d’aluminium et de calcium. Le plus souvent, il ne s’agit pas à proprement parler d’adsorptions ni d’échanges, mais de formation de composés amorphes, évoluant avec le temps, dans lesquels les ions phosphoriques sont susceptibles de passer en phase liquide si celle-ci est suffisamment appauvrie sous l’effet de l’alimentation des plantes.

La phase liquide du sol

De manière générale, les constituants solides du sol sont constamment baignés par une phase liquide dont l’abondance dépend naturellement de l’état d’humidité. Souvent appelée «solution du sol», cette phase liquide renferme des électrolytes, notamment des bicarbonates provenant de la décomposition des matières organiques par les micro-organismes. À l’égard de l’alimentation des plantes, elle constitue la source préférentielle d’éléments nutritifs absorbés par les racines; l’appauvrissement qui en résulte est compensé, au moins partiellement, par la désorption d’ions échangeables ou adsorbés. Le processus inverse intervient lors des apports d’engrais, qui, après dissolution, reconstituent les réserves du sol.

Des échanges ioniques continuels interviennent donc entre les phases solide et liquide, et, par des traceurs radioactifs, on peut apprécier à la fois leur vitesse et leur ampleur, c’est-à-dire la quantité d’ions participant aux équilibres sols-solutions, en distinguant les formes adsorbées ou échangeables des formes cristallisées.

Autres réactions physico-chimiques intervenant dans le sol

Outre les processus fort complexes d’insolubilisation et de dissolution des phosphates mentionnés ci-dessus, des réactions, dont les conséquences agronomiques sont comparables, interviennent à l’égard de certains cations: il s’agit de la rétrogradation et de la libération du potassium et de l’ammonium, qui sont susceptibles d’être fixés dans le réseau cristallin de certains argiles (illites, vermiculites) ou d’en être libérés par suite de l’élimination de formes plus labiles:

Toutefois, ces réactions sont généralement beaucoup plus lentes que celles qui concernent les ions échangeables (v 2v 1); elles sont souvent largement réversibles.

Signalons enfin d’autres réactions telles que l’oxydoréduction: le fer et le manganèse sont beaucoup plus solubles et mobiles sous forme réduite (Fe2+, Mn2+) que sous forme oxydée, et leurs déplacements dans le sol dépendent à la fois du pH et des conditions oxydoréductrices, liées à l’aération du sol et à la décomposition éventuelle de résidus végétaux. Le manque d’oxygène peut également entraîner la réduction des nitrates et des sulfates et l’apparition de composés soufrés toxiques à l’égard des racines.

Conséquences relatives à l’alimentation des plantes et à la fertilisation

Le tableau indique la teneur approximative en éléments nutritifs adsorbables du sol et de sa phase liquide, ainsi que les quantités transportées vers les racines par le déplacement de cette phase liquide sous l’effet de la transpiration des cultures. L’approvisionnement de la rhizosphère en calcium et en magnésium ne pose pas de grand problème, mais il en va tout différemment pour le potassium et surtout pour le phosphore, dont se sont principalement préoccupés les physico-chimistes du sol, en tentant d’apprécier l’importance et la disponibilité des réserves.

Divers tests mis au point de manière assez empirique permettent de répondre aux problèmes agronomiques, grâce à la comparaison avec des expérimentations culturales. Il a fallu cependant attendre l’utilisation d’isotopes tels que 32P pour arriver à une meilleure compréhension des phénomènes et à une plus grande sûreté d’interprétation.

Les recherches portent largement sur l’étude à une échelle plus fine des processus intervenant dans l’alimentation: diffusion des ions vers les racines, relations avec l’état d’humidité du sol, modalités du transport par les déplacements de phase liquide, etc. Les principaux facteurs de ces mouvements d’ions concernent à la fois les propriétés intrinsèques de ces derniers (mobilité, hydratation), celles du sol (tortuosité, capacité d’échange ou d’adsorption) et l’état du système, notamment sa teneur en eau, les concentrations ioniques dans les phases solide et liquide, et les gradients qui s’y établissent.

De manière générale, on peut donc dire que la physico-chimie des sols représente un monde fort complexe, où les échanges d’ions entre les constituants minéraux ou organiques et la phase liquide jouent un rôle prédominant. L’isolement et l’appréhension exacte des phénomènes sont souvent difficiles, en raison de la complexité du milieu; mais des progrès importants ont été réalisés au cours des dernières décennies, notamment grâce à l’emploi des traceurs radioactifs et d’autres techniques modernes de la physico-chimie.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • SOLS - Propriétés physiques et mécaniques — Du point de vue de ses propriétés physiques et mécaniques, le sol peut être considéré comme un système poreux à trois phases: solide, liquide, gazeuse. Certaines des caractéristiques de ce système sont permanentes; c’est le cas de la constitution …   Encyclopédie Universelle

  • Chimie fondamentale — Chimie La chimie est une science de la nature divisée en plusieurs spécialités, à l instar de la physique et de la biologie avec lesquelles elle partage des espaces d investigations communs ou proches. Pour reprendre un canevas de présentation… …   Wikipédia en Français

  • Chimie — La chimie est une science de la nature. Elle est divisée en plusieurs spécialités expérimentales et théoriques à l instar de la physique et de la biologie avec lesquelles elle partage parfois des espaces d investigations communs ou proches. Selon …   Wikipédia en Français

  • La chimie — Chimie La chimie est une science de la nature divisée en plusieurs spécialités, à l instar de la physique et de la biologie avec lesquelles elle partage des espaces d investigations communs ou proches. Pour reprendre un canevas de présentation… …   Wikipédia en Français

  • Modèle de chimie-transport CHIMERE — CHIMERE (en francais chimère) est un modèle de chimie transport. C est un code informatique qui réunit un ensemble d équations représentant le transport et la chimie d espèces chimiques et qui permet de quantifier l évolution d un panache de… …   Wikipédia en Français

  • Pollution des sols — Certaines fumées industrielles chargées de résidus de combustion et de divers polluants sont une des sources de retombées susceptibles de polluer les sols …   Wikipédia en Français

  • COMPLEXES (chimie) — On appelle «complexe» tout édifice chimique formé par l’association de deux ou plusieurs entités chimiques indépendantes, ions ou molécules. C’est l’application à la chimie du concept selon lequel on désigne par «complexe» tout ce qui réunit… …   Encyclopédie Universelle

  • Chimique — Chimie La chimie est une science de la nature divisée en plusieurs spécialités, à l instar de la physique et de la biologie avec lesquelles elle partage des espaces d investigations communs ou proches. Pour reprendre un canevas de présentation… …   Wikipédia en Français

  • L'extraction — Chimie La chimie est une science de la nature divisée en plusieurs spécialités, à l instar de la physique et de la biologie avec lesquelles elle partage des espaces d investigations communs ou proches. Pour reprendre un canevas de présentation… …   Wikipédia en Français

  • Rhodia —  Ne pas confondre avec Rhodia, marque de papeterie Rhodia Création 1er janvier 1998 …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”